Aujourd’hui ont lieu les demi-finales de la Coupe du Golfe au Qatar, où s’affrontent l’Arabie Saoudite et le pays hôte. Alors que ces deux pays entretenaient depuis plusieurs années des relations «cordiales», la tension est montée d’un cran. Jusqu’à atteindre un point de non-retour, en juin 2017. L’Etat saoudien a alors rompu ses relations diplomatiques avec le Qatar. Bien que la situation soit toujours tendue, le contexte semble peu à peu se détendre et ce match de football en sera peut-être aussi l’illustration.
Avant cela, rembobinons le fil de l’Histoire.
En 1971, le Qatar devient indépendant de la tutelle du Royaume-Uni. La monarchie saoudienne utilise alors ses liens avec des entrepreneurs qataris et les membres de la famille régnante pour placer le petit émirat sous son influence. Il faut dire que bien que l’Etat qatari fasse la taille de la Jamaïque, sa position dans le Golfe persique est stratégique et le sous-sol de ce pays n’en demeure pas moins riche.

C’est en 1995, alors que le pays est dirigé par Hamad bin Khalifa Al Thani, que l’émirat recouvre peu à peu sa souveraineté dans les affaires étrangères, bien aidé par la richesse de l’extraction d’hydrocarbures. Un an plus tard, le gouvernement qatari lancera Al Jazeera dans le but de consolider son soft power. Elle est aujourd’hui l’une des chaînes d’information les plus regardées dans le monde arabe, n’hésitant pas à critiquer le régime saoudien.
Les relations entre les deux pays commencent à se tendre sérieusement au début des années 2010, avec l’émergence des Printemps arabes. Alors que l’Arabie saoudite soutient les pouvoirs en place, le Qatar soutient les révolutionnaires, en particulier les Frères musulmans, que Riyad a classé comme organisation terroriste. Le Qatar s’émancipe de son rival saoudien également en changeant sa stratégie d’influence. Alors que la diplomatie de l’Etat qatari se limitait autrefois à son soft power, dans les grandes médiations régionales et la portée de sa chaine de télévision, elle s’engagea au début des années 2010 dans une politique de puissance, proche du hard power. Proche d’un pouvoir comparable à une puissance régionale comme l’Arabie Saoudite.
Ainsi les deux États financent, arment et forment des mouvements politiques différents et parfois antagonistes.
C’est ce point-là, ainsi que le rapprochement entre la Qatar, la Turquie et l’Iran, que mettra notamment en avant l’Arabie Saoudite pour justifier la fin des relations diplomatiques. Le 5 juin 2017, la puissance régionale saoudienne, avec les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn et l’Égypte, ferment leurs frontières terrestres, maritimes et aériennes avec l’Etat qatari. L’Arabie Saoudite suspendra également la participation de l’émirat dans la guerre du Yémen.

Mais, malgré l’important blocus et les menaces d’attaque militaire faites par la puissante Arabie Saoudite, le Qatar a réussi à maintenir son économie à flot. Pire, le blocus fragilise l’équilibre économique déjà précaire du Golfe arabo-persique.
Les relations entre les deux pays tendent alors à « se réchauffer ».
Dans un premier temps, sur le terrain sportif. Alors que l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Bahreïn avaient décidé de boycotter la Coupe du Golfe 2019 de début décembre au Qatar, voilà que les trois pays décident finalement de participer à la compétition le 12 novembre dernier.
Ce rapprochement s’est vu encore récemment sur la scène diplomatique. Le roi Salmane d’Arabie Saoudite a convié l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, à une réunion du Conseil de coopération du Golfe qui aura lieu le 10 décembre prochain. Depuis le point de rupture en 2017, le Qatar n’était représenté que par des hauts responsables au sein de cette union politique et économique, incluant aussi le Koweït et Oman.
« Les discussions qui se sont tenues ces deux dernières semaines -notamment avec le ministre des Affaires étrangères qatari- ont été centrées sur la levée du blocus par les Saoudiens« , selon Andreas Krieg, professeur au King’s College de Londres.
Le match de cet après-midi semble donc être une étape de plus dans l’apaisement des relations entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. Mais …

Mais n’oublions pas que le Qatar a pris une longueur d’avance sur son voisin saoudien dans sa diplomatique du sport. Que cela soit tout d’abord sur le terrain, le Qatar est le champion d’Asie en titre, ou bien dans d’autres domaines, avec le financement de nombreux clubs sportifs au rayonnement international ou bien l’organisation de nombreuses compétitions sportives.
On pense notamment à la Coupe du Monde de football 2022, que le Qatar organise à lui tout seul. L’apaisement ne sera donc peut-être que de courte durée, tant l’hyperactivisme diplomatique et politique du petit émirat qui voit grand pourrait agacer l’Arabie Saoudite et ses voisins du Golfe.