Alors que l’équipe nationale de Guinée Équatoriale impressionne durant cette CAN, notamment avec sa victoire face à l’Algérie, focus sur ce pays insolite d’Afrique centrale aux fortes influences espagnoles.
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La Guinée Équatoriale ne gagnera sûrement pas la Coupe d’Afrique des Nations 2021, mais peu importe. Cet insolite pays d’Afrique centrale a déjà réussi son tournoi, en décrochant le premier billet qualificatif de son histoire pour la phase finale de la compétition ; c’est pourtant déjà sa troisième participation, après les CAN 2012 et 2015. Qu’attendre, et que savoir de ce petit pays d’Afrique pas comme les autres, alors que sa sélection, le Nzalang Nacional, s’apprête à affronter la redoutable Algérie pour le deuxième match de la phase de groupes ?
Encastrée à l’ouest du continent entre le Cameroun et le Gabon, la Guinée Équatoriale a la particularité d’avoir sa capitale administrative, Malabo, située sur la petite île de Bioko, au large des côtes camerounaises, bien que sa ville la plus peuplée, Bata, soit située sur la côte continentale.
Un pays aux fortes influences espagnoles

Ses près de 30 000 km² de superficie en font l’équivalent de la Bretagne, mais elle abrite moins d’un million et demi d’habitants, pour une faible densité de population d’environ 50 par km². Autre particularité de la Guinée Équatoriale : elle est l’unique pays africain à avoir pour langue officielle l’espagnol. Un héritage de la colonisation du territoire par les Espagnols dans la seconde moitié du XIXème siècle, alors que les Européens se font concurrence aux quatre coins du continent.
L’Espagne crée la Guinée espagnole en 1856, mais bousculée par les puissances britannique, française et allemande en Afrique centrale, elle voit ses possessions africaines se réduire à coups de traités jusqu’en 1900. En 1968, la Guinée espagnole suit la vague décolonisatrice et gagne son indépendance : la Guinée Équatoriale est née.
Mais le pays reste fragile, et voit s’installer seulement onze ans plus tard à sa tête un homme, encore en poste aujourd’hui, ce qui en fait actuellement le président à la plus grande longévité du globe : Teodoro Obiang Nguema. Depuis 1979 et son coup d’État, l’Équato-guinéen contrôle le pays d’une main de fer, est reconduit plusieurs fois avec des scores électoraux astronomiques, voire douteux (plus de 97% des voix en 2003, avec une abstention de 80%), et place son fils, Teodorin Obiang, au poste de vice-président.
La corruption mine les élus – le vice-président Obiang a été récemment condamné à Paris, dans l’affaire des « biens mal acquis », un gigantesque détournement de fonds publics –, la répression politique est presque assumée par le régime, qui affirme avoir déjoué une dizaine de coups d’État depuis 1979, mais qui parle de 1979 comme d’un « coup de liberté ».
Des ressources fossiles importantes mais peu de redistribution des richesses

Dans les années 1990, la découverte de ressources pétrolières dans la région est une aubaine pour les Obiang, qui en font la principale manne financière du pays, au point de faire aujourd’hui de la Guinée Équatoriale l’un des pays au PIB par habitant le plus élevé d’Afrique (près de 20 000 dollars en 2017, selon les Nations Unies).
Pourtant, les conditions de vie de la population équato-guinéenne restent précaires, car les pétrodollars ne sont que très peu investis dans les services publics, et permettent plutôt la création de projets comme la ville artificielle de Djibloho, vitrine du régime équato-guinéen. Mais qu’en est-il du football en Guinée Équatoriale ?
Son faible niveau de population a longtemps empêché le pays d’exister sportivement, même sur la scène continentale. Ce n’est qu’à partir du milieu des années 2000 que la Guinée Équatoriale commence doucement à se faire une petite place dans le sport roi, d’abord en ouvrant sa sélection aux joueurs nés et évoluant à l’étranger.
L’exposition internationale de la Guinée Equatoriale grâce au football
Un évident appel à l’importante diaspora équato-guinéenne d’Espagne, qui a accueilli du fait de l’ancienne relation coloniale bon nombre d’Équato-guinéens tout au long du siècle dernier. La sélection accueille même des joueurs d’Amérique du Sud naturalisés, du Brésil notamment, sous le mandat de sélectionneur du Brésilien Antonio Dumas (entre 2005 et 2006).
En parallèle, le pays investit, et termine en 2007 deux stades de grande envergure, ceux de Malabo et Bata. Cette même année, elle signe une des plus grandes performances de son histoire en battant le voisin camerounais 1 à 0.

Cet effort permet au pays, en 2012, d’accueillir la CAN avec le Gabon, et donc d’y participer en tant que pays hôte. Un véritable tremplin pour la Guinée Équatoriale, qui voit sa sélection le Nzalang (qui signifie « éclair », en fang) Nacional rallier les quarts de finale, pour s’incliner devant les Éléphants ivoiriens.
En 2015, un coup de théâtre lui permet de recevoir de nouveau, et seule cette fois, le prestigieux tournoi : le Maroc, initialement organisateur, se désiste tardivement pour des raisons sanitaires, alors que le virus Ebola ravage l’Afrique de l’Ouest. La Guinée Équatoriale prend le relais, pour ce qui sera une véritable fête nationale, puisque la sélection atteint chez elle les demi-finales du tournoi, avant de subir la loi du Ghana des frères Ayew (0-3). Depuis, c’est la traversée du désert pour le Nzalang Nacional, jusqu’à cette CAN 2021, pour laquelle elle s’est qualifiée en prenant la deuxième place du groupe J, dominé par la Tunisie.
Des problèmes extra-sportifs qui minent la progression du Nzalang Nacional
Pourtant, la sélection équato-guinéenne n’échappe pas aux affaires extra-sportives. L’instabilité chronique des sélectionneurs (plus de vingt en quinze ans), les polémiques autour des binationaux, les inégalités de traitement entre les joueurs, la gestion délirante du football dans le pays sont autant d’éléments qui collent à la peau du Nzalang Nacional.

Henri Michel, sélectionneur de l’équipe en 2011, témoignait juste avant la CAN 2012 de la situation pour RFI : « C’est ahurissant ce qui se passe ici (comparé aux autres pays africains qu’il avait connus, ndlr). On part avec rien. […] Des personnes interfèrent aussi dans la composition de l’équipe, j’ai des joueurs qui n’ont pas été convoqués. » Le Français confiait aussi, au cours du même entretien, que le président l’avait personnellement contacté pour lui demander « d’offrir un visage plaisant » à la sélection : une preuve de la conscience de Teodoro Obiang de l’impact potentiel du football sur son pays. En 2015, il avait également une sortie remarquée à quelques jours du début de la CAN, en achetant 40 000 billets sur sa fortune personnelle pour les brader afin de permettre aux plus démunis d’assister aux rencontres, qui se déroulaient donc en Guinée Équatoriale.
Il est difficile de savoir où se situe cette sélection, menée par Pedro Obiang, le milieu de terrain de Sassuolo, et Emilio Nsue, son meilleur buteur, passé notamment par l’APOEL Nicosie ou Middlesbrough. Ayant hérité d’un des groupes les plus relevés de cette CAN (Côte d’Ivoire, Algérie, Sierra Leone), elle aura fort à faire pour passer le premier tour. Mais, à l’image de ses parcours héroïques en 2012 et 2015, le Nzalang Nacional n’est pas à l’abri d’un éclair de génie.
Comme il y a peu avec sa victoire 1-0 face à l’Algérie.
Avec la participation de Paul Citron
Sources :
https://www.rfi.fr/fr/afrique-foot/20111030-henri-michel-14-finale-can-faut-pas-rever