Taïwan, Chine, Etats-Unis : Pourquoi une telle tension géopolitique ?

La venue de Nancy Pelosi🇺🇸 à Taïwan a ravivé les tensions entre Pékin 🇨🇳 et Taipei 🇹🇼. La Chine considère Taïwan comme faisant partie de son territoire alors que Taïwan, sans être pleinement reconnue par la communauté internationale, revendique sa pleine indépendance. Décryptage (avec de la géopolitique du sport).

Le contexte : Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, s’est rendue le 3 août à Taïwan en amont de sa tournée en Asie.

Une visite controversée qui a attisé les tensions entre les deux rivaux américains🇺🇸 et chinois.

Pourquoi ? Remontons le fil de l’Histoire 📖

Les guerres de l’opium au XIXe siècle fragilisent l’empire chinois et la dynastie des Qing.

La Chine va notamment être contrainte de signer les « traités inégaux », qui vont ouvrir le pays aux puissances colonisatrices de l’époque.

L’empire chinois rentre donc dans une crise, aggravée par la 1ère Guerre sino-japonaise (fin du XIXe siècle).

Ce qui aboutit à la révolution de 1911, à la chute de l’empire et à l’instauration de la République de Chine.

Avec à sa tête Sun Yat-sen.

La République met du temps à s’imposer.

En 1928, Tchang Kaï-chek parvient à réunifier le pays autour d’un pouvoir autoritaire et du parti du Kuomintang.

Toutefois, des dissensions éclatent vis à vis des anciens alliés communistes et la guerre civile débute.

En parallèle, la Chine doit faire face aux visées expansionnistes du Japon 🇯🇵

Il envahit une partie du pays en 1937, ce qui entraîne la 2è Guerre sino-japonaise.

Face à cette menace, les camps nationalistes et communistes s’allient de nouveau.

En 1945, la défaite du Japon lors de la WWII permet à la Chine de retrouver le contrôle de son territoire.

La guerre civile pour le contrôle du pays ne tarde pas à reprendre entre les nationalistes, menés par Tchang Kaï-chek, et les communistes, guidés par Mao Zedong.

Les communistes l’emportent et Mao proclame la République populaire de Chine (RPC) le 1er oct. 1949.

Les nationalistes et une partie de la population s’exilent « provisoirement » sur l’île de Taïwan, reprise aux Japonais en 1945, et s’estiment être la continuation directe de la 1ère République.

À partir de cette date, 2 pays revendiquent le nom de « République de Chine ».

La « République officielle de Chine »(ROC) de Taïwan🇹🇼, soutenue par les Etats-Unis, est dans un 1er temps celle reconnue et elle occupe le siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Durant cette période, les 2 Chines tentent de récupérer la souveraineté de l’ensemble du territoire par la force.

Mais la faiblesse démographique de Taïwan d’un côté et le soutien américain vis-à-vis de l’île de l’autre dissuadent les 2 camps de s’affronter ouvertement.

Une bataille diplomatique s’engage, notamment sur la scène de la représentation internationale sportive.

En 1952, les 2 entités sont invités aux JO d’Helsinki.

En représailles, la délégation République de Chine🇹🇼 quittent les Jeux alors que la RPC🇨🇳 est bien présente.

Cet imbroglio oblige le Comité International Olympique (CIO) à prendre une décision politique.

Il se range du côté de la tendance internationale en excluant après les Jeux la RPC🇨🇳 et en reconnaissant la République de Chine🇹🇼 comme seul représentant chinois.

Le football est soumis aux mêmes contraintes.

En 1958, la FIFA ouvre les éliminatoires de la Coupe du Monde aux 2 Chines.

Là encore, la ROC🇹🇼 se retire et la RPC🇨🇳 est éliminée par l’Indonésie 🇲🇨

Ensuite, les 2 fédérations ne se présentent plus aux qualifications.

Au niveau de la Confédération asiatique du football (AFC), la ROC🇹🇼 est la représentante officielle de la Chine, tandis que la RPC🇨🇳 ne sera membre qu’en 1974.

Durant cette période, l’équipe de Taïwan réalise sa meilleure performance avec une 3e place en Coupe d’Asie 1960.

Le 25 octobre 1971 la situation bascule.

Le rapprochement stratégique entre les Etats-Unis de Nixon🇺🇸 et la Chine de Mao🇨🇳 entérine le vote de la résolution 2758 par l’ONU.

Ce qui a pour conséquence que la République populaire de Chine siège désormais à la place de Taïwan.

(Un rapprochement notamment opéré par un épisode célèbre de la géopolitique du sport, avec la « diplomatie du ping-pong » en 1971.

Ou comment la rencontre entre un pongiste américain et chinois a permis d’accélérer la reprise diplomatique entre les 2 pays 🇨🇳🇺🇸)

Pour autant Taïwan revendique toujours le nom de « République de Chine » alors que Pékin considère l’île comme une province sécessionniste et qui doit lui revenir de facto en vertu du principe d’une « seule Chine ».

L’olympisme suit la voie de la tendance internationale.

En 1979, la République populaire de Chine est reconnue par le CIO comme le seul représentant chinois.

Taïwan en revanche ne pourra concourir aux épreuves que sous la dénomination « Taipei chinois ».

He Zhenliang, représentant de la RPC, déclare à l’époque :

 » La constitution des sports à Taïwan pourra fonctionner en tant qu’organisation locale de la Chine et pourra exister dans le mouvement olympique sous le nom de Comité olympique de Taipei chinois. »

Une dénomination adoptée aussi en football.

L’équipe de Chine et l’équipe du Taipei chinois reparticipent aux éliminatoires de la Coupe du Monde 1982.

(Et la Chine n’était pas loin de se qualifier mais la Nouvelle-Zélande les bat en barrages)

Depuis les rapports de force ont évolué.

🇹🇼 Taïwan s’est démocratisé, développé, ne revendique plus le contrôle du territoire chinois mais reste isolé et peu reconnu.

🇨🇳 La Chine s’est progressivement ouverte et imposée comme une puissance mondiale, concurrente directe des Etats-Unis.

Un changement s’opère en 2016.

🇹🇼 Tsai Ing-wen, du Parti démocrate progressiste à visée indépendantiste, est élue présidente de Taïwan.

Elle multiplie les appels à la communauté internationale pour défendre la démocratie et l’autonomie de l’île face aux menaces de la Chine.

La Chine 🇨🇳 souhaite quant à elle intégrer Taïwan à son territoire, avec le modèle « un Etat, 2 systèmes ».

Or ce modèle déjà en place à Hong-Kong🇭🇰 a été remis en cause avec la mise au pas de ce territoire par Pékin suite aux manifestations de 2019.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

La guerre lancée par la Russie 🇷🇺 contre l’Ukraine 🇺🇦 en fevr. 2022 a chamboulé l’échiquier géopolitique.

Surtout, la Russie a justifié cette agression pour reconquérir son ancienne zone d’influence soviétique.

Une rhétorique expansionniste portée par Pékin vis à vis de Taïwan

Or Washington🇺🇸 avance ses pions pour mettre la pression sur la Chine🇨🇳 pour que la méthode forte ne soit pas utilisée, dans un contexte de rivalité sino-américaine dans le Pacifique.

Une position d’équilibriste, Washington avait jusque-là maintenu une ambiguïté stratégique.

Ce qui explique en partie pourquoi c’est Nancy Pelosi et non Joe Biden qui se soit rendue à Taïwan.

Pour mettre la pression sur la Chine tout en ne déclarant pas une « guerre ouverte ».

Pékin n’a pas tardé à réagir en mettant en place une série de manœuvres militaires pour intimider Taïwan.

Dans un contexte où le régime de Xi Jinping cherche à renforcer son pouvoir à l’approche du 20e Congrès du PCC l’hiver prochain.

Le voyage de Pelosi à Taïwan a en tout cas mis en difficulté l’administration Biden, qui doit montrer les muscles face à son principal rival, la Chine, tout en évitant l’escalade militaire.

Reste à savoir si ce nouvel épisode de tensions basculera dans la crise ou non.

Kévin Veyssière

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