Leipzig, Salzbourg et la galaxie Red Bull

Pour cette saison 2022-2023, une nouvelle fois, les deux équipes Red Bull (Leipzig et Salzbourg) disputent la Ligue des Champions. Pourquoi ces clubs peuvent y participer alors même que le fait qu’elles fassent partie d’une même entité, la galaxie Red Bull, puisse faire craindre un éventuel conflit d’intérêts ?

Red Bull est une société autrichienne créée en 1984 par Dietrich Mateschitz et rendu célèbre grâce à la vente de boissons énergisantes. En 2019 c’est près 7,5 milliards de canettes Red Bull qui ont été vendues dans le monde dans plus de 171 pays.

Mais surtout la marque Red Bull s’associe depuis plusieurs années aux événements sportifs afin de favoriser son message commercial (le dépassement de soi) autour de son produit phare. Un message plus connu sous le slogan « Red Bull donne des ailes ».

Red Bull parraine donc de nombreux événements liés aux sports extrêmes (escalade, BMX, ski, skateboard…) Le plus médiatique d’entre eux restant sans doute Red Bull Stratos, où le parachutiste Felix Baumgartner a fait un saut historique depuis la stratosphère.

Comme l’explique le fondateur Mateschitz : « Dès la 1ère seconde où j’ai inventé Red Bull, j’avais tout en tête : communiquer autour d’événements sportifs extrêmes, lier la boisson aux sports d’extérieur… « 

La stratégie de Red Bull ne s’arrête pas qu’à l’organisation d’évènements sportifs pour faire rayonner sa marque. En 2005 la société devient carrément propriétaire d’une écurie de Formule 1 : « Red Bull Racing », qui glanera plusieurs titres grâce à Sebastian Vettel et Max Verstappen.

À cette même période, Red Bull investit dans le football et rachète le club du SV Austria Salzburg, ville où est installée le siège du groupe. L’équipe abandonne ses couleurs et son nom pour devenir un élément à part entière de la marque :

Le Red Bull Salzbourg.

À peine 1 an plus tard, en 2006, Red Bull poursuit sur sa lancée et rachète l’équipe des MetroStars de New York. Là encore l’équipe abandonne son nom et ses couleurs et devient le New York Red Bulls.

Les succès des deux équipes sur leurs terrains nationaux sont au rendez-vous, mais le fondateur de Red Bull veut un championnat plus médiatique afin de faire grandir la marque de son entreprise.

Le choix va se porter sur Leipzig, une villes hôtes de la la Coupe du Monde 2006 en Allemagne, et le club du Sachsen Leipzig qui végète en 4e division. Les négociations n’aboutiront finalement pas, sous la pression des supporters qui ne voulaient pas perdre l’âme de leur club.

Red Bull trouve finalement son bonheur en 2009 en rachetant le SSV Markanstädt pour 350 000 euros, petit club amateur de la banlieue de Leipzig alors en D5 allemande.

Un club qui va être renommé RB Leipzig.

RB et non Red Bull ?

En effet, la législation allemande interdit aux clubs d’avoir comme nom une entreprise.

La parade est tout de même trouvée, RB signifiant RasenballSport mais faisant tout de même écho à Red Bull.

Le club va très vite monter les échelons du football allemand puisqu’en à peine 7 ans, le RB Leipzig va grimper 5 divisions pour atteindre ainsi la Bundesliga lors de la saison 2016-2017.

L’année suivante le club participe à sa toute 1ère Ligue des Champions.

Malgré ces succès sportifs, le RB Leipzig n’en reste pas moins un club « détesté » à ses débuts.

Il lui est notamment reproché d’être un « club en plastique », monté de toute pièce par les millions de Red Bulll, et aussi de contourner la règle du 50+1.

Cette règle stipule que les clubs doivent appartenir à leurs membres qu’ils doivent conserver la majorité des votes lors de l’assemblée générale.

Cela empêche un investisseur privé de posséder + de 49% des parts d’un club, et donc de le contrôler.

Toutefois au RB Leipzig, si les 49% du club appartiennent bien à l’entreprise Red Bull, les 51% restants appartiennent à un « comité indépendant » de 21 membres, employés de la société Red Bull. En comparaison le Bayern compte 293 000 membres.

(Pour être complet, des exceptions existent à cette règle du 50+1. Notamment si l’investisseur privé possède des parts dans le club depuis plus de 20 ans. Comme c’est le cas avec Bayer à Leverkusen ou Volkswagen à Wolfsburg)

Un autre problème se pose lors de l’édition 2017-2018 de la Ligue des Champions.

Salzbourg et Leipzig y sont qualifiés et cela soulève la question d’un éventuel conflit d’intérêts en raison de la relation sportive étroite et du niveau d’influence exercé par Red Bull.

Après enquête, l’UEFA autorise les 2 équipes à participer à la compétition. Le groupe Red Bull n’est « officiellement » plus propriétaire de Salzbourg, ayant abandonné toute fonction dirigeante là-bas pour ne garder qu’un « simple » contrat de sponsoring.

Toutefois, pour concourir dans les compétitions UEFA, Salzbourg doit retirer le logo Red Bull de son maillot.

Ainsi les deux clubs peuvent participer aux Coupes d’Europe, et se sont même affrontés lors de l’Europa League 2018-2019.

Il est à noter les bonnes performances des clubs Red Bull :

  • Salzbourg / demi-finaliste de l’EuropaLeague 2017-2018
  • Leipzig / demi-finaliste de la LiguedesChampions 2019-2020 et de l’EuropaLeague 2021-2022

Une réussite sportive qui n’est pas seulement due aux millions de Red Bull.

Le modèle Red Bull repose sur un large réseau de scouting pour dénicher les meilleurs jeunes joueurs à fort potentiel et à moindre coût, comme les cas Erling Haaland ou Ibrahima Konaté.

Pour ensuite développer ces joueurs sur le moyen terme autour d’un projet de jeu spectaculaire (en référence à la marque) et commun à tous les clubs. Une « révolution » mise en place dès 2012 par le directeur sportif du projet Red Bull Ralf Rangnick.

Ces jeunes joueurs, une fois recrutés par la galaxie Red Bull, peuvent faire leur gamme dans le club de Salzbourg ou encore dans son équipe réserve, le FC Liefering acquis en 2012 par Red Bull, avant de s’envoler vers l’Allemagne et Leipzig.

Un chemin suivi par l’international français Dayot Upamecano : « Si tu réalises une grosse performance avec Liefering, tu peux te retrouver dans le groupe de Salzbourg la semaine suivante. »

Les liens entre le Red Bull Salzbourg et le RB Leizpig sont aussi très présents, comme en témoigne les nombreux transferts entre les deux clubs.

Naby Keïta, Dayot Upamecano, Dominik Szoboszlai ou encore le récent transfert de Benjamin Sesko de Salzbourg à Leipzig.

Un modèle qui fonctionne grâce aux importantes plus-values réalisées avec la vente des joueurs aux plus grands clubs européens. Ce qui permet au RB Leipzig, vitrine sportive de l’empire Red Bull, d’être à la fois rentable tout en restant compétitif.

La galaxie Red Bull n’en finit plus de s’étendre avec désormais 5 clubs sous son contrôle :

  • RB Salzbourg 🇦🇹
  • New York RB 🇺🇸
  • RB Leipzig 🇩🇪
  • FC Liefering 🇦🇹
  • RB Bragantino 🇧🇷
  • création d’une académie au Ghana 🇬🇭
  • un partenariat avec le club indien de Goa 🇮🇳

Avec cette galaxie de clubs, l’idée est bel et bien pour Red Bull de créer un projet de jeu, une identité commune et surtout une marque interclub mondiale.

Un concept selon lequel toutes les équipes jouent sous une seule et même bannière quel que soit le continent.

Cela a déjà été mis en place par par le City Football Group et ses clubs satellites. Un exemple de « glocalisation », c’est à dire prendre un produit mondial et s’adapter aux marchés locaux.

Pour qu’ainsi un fan de Girona ou de New York devienne un fan du projet City.

Tout le paradoxe de l’empire football Red Bull football est là.

D’un côté ses clubs prennent le temps de développer les joueurs et un projet de jeu alors que la tendance est plus à la précipitation quant un important investisseur privé arrive dans le club.

De l’autre l’accélération de la marchandisation du football avec la multiplication des réseaux et des cas de multipropriété de clubs.

Où les clubs ne sont plus que des franchises d’une marque pour promouvoir ses produits et ses contenus à une audience toujours plus importante autour du sport le plus populaire du monde.

FIN

Kévin Veyssière

L’analyse est également à consulter sur Twitter :

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à écouter ci-dessous le podcast Formation FC autour de la stratégie de formation Red Bull

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