Le PSG se déplace ce soir au Maccabi Haïfa pour son match de Ligue des Champions. Les projecteurs seront braqués sur le terrain mais aussi sur le joueur Achraf Hakimi, sifflé pour ses positions pro-palestinienne lors des derniers matchs du club parisien en Israël. Un élément révélateur des tensions électriques dans le complexe conflit israélo-palestinien.
Le joueur du PSG Achraf Hakimi avait en effet été sifflé le 31 juillet dernier lors du Trophée des Champions contre le FC Nantes, disputé dans le Stade Bloomfield à Tel-Aviv en Israël. La même chose s’était produite pour l’édition 2021, également en Israël.
Pourquoi ?
L’international marocain était en effet la cible de spectateurs israéliens en raison de ses prises de positions en faveur de la cause palestinienne sur les réseaux sociaux. Dont un tweet le 10 mai 2021 avec le hashtag « Free Palestine ».
Hakimi fait ainsi référence aux territoires palestiniens (Cisjordanie, Jérusalem-Est, bande de Gaza) occupés par Israël depuis 1967. Bien que cette terminologie soit remplacée par Etat de Palestine, avec son admission en 2012 comme État observateur non membre de l’ONU.

Pour mieux comprendre ce conflit, faisons un pas de côté dans l’Histoire ⤵
L’exode des Juifs en Palestine, entrepris au début du XXe siècle, s’accélère dans les années 1930 avec le développement du sionisme, mouvement qui vise à la création d’un Etat juif, et des persécutions subies par ce peuple en Europe et dans d’autres parties du monde.
La Shoah, l’entreprise d’extermination menée par l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, entraîne la mort d’environ 6 millions de Juifs et accélère l’exode d’une population juive massivement déplacée pendant ce conflit.
En 1947, les Juifs représentent ainsi environ 1/3 de la population totale de la Palestine. Ce qui augmente les tensions, déjà bien présentes avant la Seconde Guerre mondiale, vis-à-visvis-à de la population arabe déjà établie et majoritaire.

Alors qu’une guerre civile éclate, l’ONU, créée en 1945, tente d’apaiser la situation en adoptant en 1947 un plan de partition de la Palestine (alors sous mandat britannique) :
- un Etat arabe (45% du territoire)
- un Etat juif (55%)
- une zone internationale – Jérusalem
Les Arabes, s’estimant lésés, rejettent le plan tandis que Ben Gourion, leader de la communauté juive en Palestine, déclare unilatéralement la création de l’État d’Israël le 14 mai 1948. Le lendemain, les États arabes voisins lui déclarent la guerre et débute la 1ère guerre israélo-arabe.
Israël sort finalement vainqueur du conflit et étend son territoire de 55 à 78% de la Palestine. Du côté palestinien c’est la catastrophe, la « Nakba ». Près de 700 000 palestiniens, chassés de leurs terres natales, s’exilent, en particulier dans les pays arabes voisins.

De nouvelles guerres ont lieu en 1967 (Guerre des Six Jours) et 1973 (Guerre du Kippour), avec les victoires d’Israël. Qui va ainsi consolider son implantation, occuper les territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie et accentuer sa mainmise sur Jérusalem.
Ainsi les territoires palestiniens sont occupés par Israël et les pays arabes refusent toute négociation tant que cette situation perdure. C’est ce qui explique pourquoi les pays arabes ont fait pression pour exclure Israël de la Confédération asiatique de football en 1974.

Des solutions pour la paix vont tenter d’émerger, notamment avec les accords de Camp David en 1978 permettant avec le soutien américain la signature d’un traité de paix entre Israël et l’Egypte. Pour autant, sur le terrain, la situation est toujours explosive, avec la révolte palestinienne de 1987, l’Intifada.
Cette « guerre des pierres » prend fin en 1993 avec la signature des accords d’Oslo, sous l’égide des Etats-Unis, entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le leader de l’Organisation de libération de la Palestine Yasser Arafat.
Une solution de paix à deux Etats semble alors possible, l’accord prévoyant le retrait d’Israël par étapes des territoires occupés, devant conduire à la création d’un Etat palestinien. Mais l’assassinat de Yitzhak Rabin par un extrémiste juif en 1995 va enliser le processus.
Depuis le processus de paix n’a pas été relancé. Entre conflits frontaliers, guerres successives, scission du mouvement palestinien (Hamas/Fatah) et la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est par Israël.

En 2012, l’ONU réaffirme « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans son État de Palestine sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 » et vote pour accorder à la Palestine le statut « d’État observateur non membre des Nations Unies ».
Dans les faits, cela ne change pas, puisque le conflit perdure. L’Etat de Palestine est certes reconnu par 138 des 193 États membres des Nations Unies, mais non par Israël et ses alliés, notamment les Etats-Unis.

Par ailleurs, le conflit israélo-palestinien passe peu à peu au second plan géopolitique face à la menace nucléaire de l’Iran. Ce qui pousse certains pays arabes (Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Maroc) à normaliser leurs relations avec Israël, depuis les accords d’Abraham en 2020.
Pour approfondir + en détail le sujet, et éviter les raccourcis, je vous conseille l’excellent Dessous des Cartes d’Are pour contextualiser le conflit israélo-palestinien au sein de la situation géopolitique actuelle.
C’est donc ce complexe conflit israélo-palestinien qui a engendré ces vives réactions du public israélien vis-à-vis d’Achraf Hakimi et ses prises de positions pro-palestiniennes.
La même situation peut-t-elle se reproduire lors du match Maccabi Haïfa/PSG ?

Le contexte sera bien différent à Haïfa puisque le club local jouera un match de Ligue des Champions, alors que les matchs de Trophée des Champions joués par le PSG à Tel-Aviv ressemblaient plus à un match de gala, pour un public local qui ne supportait pas une équipe en particulier.
Ces matchs ont d’ailleurs été délocalisés pour poursuivre la stratégie d’Israël qui vise à changer son image via l’accueil d’évènements sportifs internationaux. Cette initiative émane en grande partie de l’homme d’affaires israélo-canadien Sylvan Adams.
Cette stratégie de soft power vise aussi à accueillir les grands noms sportifs sur le sol israélien Ainsi Sylvan Adams a organisé une rencontre entre le PSG et l’association Save a child’s heart à Tel Aviv en juillet dernier, où Hakimi était présent.

Par ailleurs, les sifflets à l’encontre d’Hakimi en 2021 à Tel-Aviv pouvaient aussi être explicités par le fait que ce fut la ville israélienne la plus ciblée par les tirs de roquette lors de la guerre israélo-palestinienne de mai 2021.
Pour ce qui est du club du Maccabi Haïfa (Maccabi faisant référence à l’organisation sportive juive internationale) il n’est pas marqué politiquement. À l’inverse d’autres clubs, comme le Beitar Jérusalem proche de la droite radicale nationaliste israélienne.
Par ailleurs, en 2011, un sondage du journal israélien Haaretz révèle que le Maccabi Haïfa est l’équipe la plus populaire parmi les citoyens arabes d’Israël.
Un résultat qui peut s’expliquer car 10% de la population d’Haïfa est arabo-israélienne, c’est à dire des Arabes citoyens d’Israël.
Pour un supporter du Maccabi Haïfa, interviewé par le journal Le Parisien :
Une certaine rivalité sportive anime en effet les 2 clubs. Lors de la Coupe des Coupes 1998-1999, le Maccabi Haïfa, avec un certain Yossi Benayoun, avait créé la surprise en éliminant le favori, le club du PSG.

Alors l’accueil sera t-il moins hostile pour Hakimi à Haïfa ?
Le Stade Sammy Ofer donnera ses réponses. Le Maccabi Haïfa veut en tout cas éviter tout débordement avec des mesures de sécurité jamais vues en Israël pour un match de football.
FIN
Kévin Veyssière