Interview de Lloyd Owers, nouveau directeur technique du football des Îles Marshall, l’un des seuls pays du monde qui n’a pas encore d’équipe nationale de football.
Le football touche chaque partie du monde, à tel point que la FIFA compte, avec 211 fédérations membres, plus de pays que l’ONU. Pourtant, en Océanie, les Îles Marshall et ses 60 000 habitants sont le seul pays des 193 États membres de l’ONU à ne pas avoir d’équipe nationale. Cela est sur le point de changer puisque la jeune fédération de football des Îles Marshall a nommé Lloyd Owyers, coach britannique de 33 ans basé à Oxford, au poste de directeur technique. Rencontre avec ce passionné, pour qui le ballon rond n’a pas de frontières.
Bonjour Lloyd. Vous êtes britannique, vivez en Angleterre et pourtant vous voici le tout premier directeur technique du football d’un pays d’Océanie, les îles Marshall. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Mon parcours dans le football est assez varié. J’ai été joueur semi-pro jusqu’à 24 ans. Après, je me suis orienté vers le métier d’entraîneur, allant des jeunes aux sections adultes professionnels. J’ai commencé dans le club de Chelmsford City en National League (D5 Anglaise) puis à Oxford et à la FA (Fédération anglaise de football), avant d’enchaîner plusieurs expériences au Canada, aux États-Unis et en Suède. J’ai continué après à animer des ateliers de formation d’entraîneurs et j’ai poursuivi là-dedans, en obtenant une licence B UEFA et une maîtrise d’entraînement. C’est ce qui m’a donné l’idée de lancer un blog sur mes séances de coaching, avec des interviews d’entraîneurs de tous horizons.
Comment le contact a t’il été pris avec fédération de football des îles Marshall ?
C’est grâce à ce blog justement que j’ai eu cette chance unique. J’ai pu échanger avec des membres de l’équipe nationale des Samoa et, peu de temps après, il y a eu des discussions avec Shem Livai, le président de fédération de football des Îles Marshall. Et puis nous avons de plus en plus échangé, à tel point qu’on m’a demandé de présenter ma propre philosophie, mes idées et leurs objectifs à long terme. C’est à ce moment-là qu’on m’a proposé le poste de directeur technique.
Et vous avez accepté. Avez-vous des liens particuliers avec les îles Marshall ou l’Océanie ?
Je n’ai aucun lien avec l’Océanie mais l’opportunité de pouvoir mettre en place mon propre style et mes idées sur la scène internationale, tout en aidant un pays à acquérir un amour et un réel intérêt pour ce sport, c’est ça qui est fantastique. C’est surtout la perspective du développement de la structure de football, des joueurs et de construire football là-bas qui m’ont énormément motivé.
La fédération des îles Marshall étant récemment créée (en 2020) il y a tout à construire. Sur quelles bases allez-vous vous appuyer ? Allez-vous vous rendre là-bas ?
On part de zéro, il y a donc tout à faire. Cela comprend d’abord la construction de programmes scolaires dans tout le pays pour ensuite les lier à des structures pour les jeunes. Il nous faut aussi développer l’identité nationale propre aux îles Marshall pour avoir notre propre façon de jouer. Il y a aussi la structuration des ligues masculines et féminines et, enfin, les équipes nationales. Pour l’instant nous dépendons uniquement de la collecte de fonds et des dons mais nous progressons bien dans ce domaine et recherchons également activement des sponsors pour nous aider à nous développer. Je prévois d’aller aux îles Marshall cet été pour commencer à animer en personne des ateliers de formation d’entraîneurs et structurer le football là-bas.
Comment allez-vous motiver la population locale, notamment les jeunes, pour se mettre au football, malgré un fort taux d’obésité et une forte influence américaine au niveau du sport ?
Les îles Marshall ont une très forte connexion avec les Etats-Unis. Le football se développe de plus en plus là-bas, donc cela va naturellement se traduire dans l’archipel. Il y a en tout cas selon la fédération un vif intérêt là-bas de la part des jeunes qui ne veulent pas rester les bras croisés et veulent développer leurs îles et ce sport.
Certaines petites sélections, notamment dans les Caraïbes comme Montserrat, font appel à leur diaspora et aux personnes émigrés pour renforcer leurs sélections nationales. Est-ce l’une des pistes envisagées par les îles Marshall ?
C’est quelque chose que nous allons examiner. Nous avons déjà commencé à nous connecter aux Marshallais du monde entier, certains basés aux États-Unis nous ayant récemment contactés. Nous voulons aider à faire connaître le pays et le sport dans le pays aux Marshallais du monde entier, et pas seulement à ceux qui se trouvent physiquement aux Îles Marshall.
Quel est l’objectif de l’équipe nationale des Îles Marshall une fois créée ?
Il nous faut d’abord rejoindre l’OFC (Confédération d’Océanie du football) mais nous ne voulons pas seulement en rester là. Les pays voisins comme Tuvalu et Kiribati sont par exemple membres affiliés de l’OFC mais ils n’ont pas les infrastructures suffisantes pour adhérer pleinement à cette organisation. La bonne nouvelle pour nous c’est que nous avons des infrastructures solides, sur l’atoll de Majuro par exemple. J’espère que cela jouera en notre faveur lorsque nous commencerons à examiner l’adhésion à l’OFC et, finalement, à long terme, à la FIFA. Ce qui permettra de mettre encore plus les Îles Marshall sur une carte.
Le développement du football aux îles Marshall ne risque t-il pas d’être limité par les conséquences du réchauffement climatique sur l’archipel ?
Le football et l’équipe nationale sont des opportunités pour les îles Marshall de sensibiliser à travers le monde aux problèmes de changement climatique. J’espère en tout cas que, d’une manière ou d’une autre, quelqu’un pourra venir en aide à ces territoires, car le réchauffement climatique, et ses conséquences, est une situation plus importante que le football.
Interview réalisée par Kévin Veyssière
Pour suivre :
>> l’actualité de la fédération de football des Îles Marshall
>> la collecte de fonds mise en place par la fédération
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