Qarabağ FK : club symbole du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh

Le FC Nantes affronte ce soir le club azerbaïdjanais du Qarabağ FK. Un club est né dans la ville d’Agdam, dans le Haut-Karabakh, région symbolique du conflit et des récentes tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le Qarabağ FK a été fondé en 1951 à Agdam dans la région du Haut-Karabakh. À partir de 1988, cette zone, alors présente dans la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, va être le théâtre d’importants combats lors de la 1ère guerre du Haut-Karabakh.

Ce conflit et les suivants dans le Haut-Karabakh trouvent leurs origines à la fin de la 1ère Guerre mondiale. L’Azerbaïdjan et l’Arménie vont alors sortir de la Fédération transcaucasienne et proclamer leur indépendance, le même jour, le 28 mai 1918.

Rapidement, une guerre éclate entre les deux pays, qui revendiquent des territoires qu’ils jugent comme étant historiquement et ethniquement les leurs, à l’image du Haut-Karabakh. Ils seront finalement annexés et intégrés à l’URSS, qui met fin au conflit pour un temps.

Staline décide seul que la région du Haut-Karabakh, peuplé en majorité d’Arméniens chrétiens, revienne à la RSS d’Azerbaïdjan, à majorité musulmane. Ce n’est que lorsque l’Union soviétique s’effondre à la fin des années 1980, que les velléités nationalistes ressurgissent.

En 1988, les Arméniens du Haut-Karabakh, majoritaire dans la région, se mobilisent pour rejoindre l’Arménie ce qui entraîne une série de violences avec les Azerbaïdjanais. C’est le début de la 1ère guerre du Haut-Karabakh, qui perdure au-delà de la dissolution de l’URSS.

En 1991, l’Arménie et l’Azerbaïdjan déclarent leur indépendance. Les Arméniens du Haut-Karabakh font de même en proclamant la République d’Artsakh, avec l’intention de faire sécession de l’Azerbaïdjan et s’unir avec l’Arménie, ce qui va durcir l’intensité des conflits.

Finalement, un cessez-le-feu parvient à être négocié en 1994 par la Russie. Depuis les négociations pour la résolution du conflit ont pour cadre le Groupe de Minsk, coprésidé par la France, la Russie et les États-Unis, sans qu’une solution durable n’ait pu être trouvée.

Cette 1ère guerre du Haut-Karabakh fragilise les 2 jeunes républiques et déplace des milliers de personnes. En particulier à Agdam, ville où a été fondé le club de Qarabağ FK, qui est située près de la ligne de front et dont les env. 30 000 habitants vont fuir la guerre.

La population azerbaïdjanaise d’Agdam s’exile elle aussi, en particulier à Bakou capitale de l’Azerbaïdjan. Le club du Qarabağ FK suit le même chemin et garde son nom pour être le relai des revendications azerbaïdjanaises pour que le Haut-Karabakh revienne sous son giron.

Depuis le cessez-le-feu de 1994, le Haut-Karabakh est en effet un territoire qui n’est pas sous le contrôle de l’Arménie ou de l’Azerbaïdjan. La majeure partie est gouvernée par la « République d’Artsakh », autorité non reconnue par aucun État membre de l’ONU.

Le Qarabağ FK basé à Bakou devient quant à lui peu à peu l’un des meilleurs clubs d’Azerbaïdjan. En particulier depuis sa reprise en 2001 par l’une des plus grandes sociétés du pays, Azersun Holding :

  • 6 coupes depuis 2005
  • 8 championnats depuis 2013

Le Qarabağ FK installe progressivement le nom de l’Azerbaïdjan sur la scène européenne, avec une 1ère participation à l’Europa League 2014-15. Surtout c’est le tout 1er premier club azerbaïdjanais à se qualifier pour la phase de groupe de la Ligue des champions, 2017-2018.

Des réussites sportives à mettre au crédit d’Azersun Holding. Mais aussi de l’entraîneur local Gurban Gurbanov, ex grand international, qui développe un style de jeu inspiré du Barça, ce qui donne pour l’équipe le surnom de « Barcelone du Caucase ».

Ainsi, l’an dernier, le Qarabağ FK devient le 1er club d’Azerbaïdjan à atteindre une phase finale de Coupe d’Europe, avec la #ConferenceLeague Le club affronte alors l’Olympique de Marseille mais s’incline.

Cette double confrontation a remis en avant le contexte politique du Qarabağ FK. Marseille étant une ville avec une forte diaspora arménienne des drapeaux de l’Arménie et une banderole « Qarabag is Armenia » avaient été déployés au stade Vélodrome.

L’UEFA, qui jugeait ce message comme politique, a sanctionné le club de Marseille. Elle reste en effet extrêmement prudente sur cette question, interdisant les rencontres entre les équipes et les sélections arméniennes et azerbaïdjanaises.

Qarabağ FK est donc plus qu’un club. Il parvient à placer l’Azerbaïdjan sur la scène internationale grâce au football mais est aussi un symbole politique : Celui du conflit dans le Haut-Karabakh, qui alimente les tensions arméno-azerbaïdjanaises et qui n’a pas encore été résolu.

(Le football est également un relai pour les partisans de l’indépendance de la « République d’Artsakh ». Une équipe nationale a été créée et participe à des matchs depuis 2012. Une Coupe d’Europe de la CONIFA a même été organisée en 2019 dans le Haut-Karabakh.)

En 2020, Qarabağ FK avait défrayé la chronique : Nurlan Ibrahimov, responsable de la communication du club, avait posté sur les réseaux sociaux un message incitant au meurtre des Arméniens. Le club a dénoncé ces propos et l’UEFA l’a banni à vie.

La même année, en 2020, une nouvelle guerre éclate après des années de conflits frontaliers. Un cessez-le-feu est signé mais l’accord contraint l’Arménie à restituer les territoires occupés restants entourant le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan.

Ce conflit revient dans l’actualité avec de nouvelles attaques le 12 septembre 2022, dont les deux pays s’accusent mutuellement, à la frontière et sur le territoire arménien. La Russie annonce avoir négocié une trêve mais les deux camps s’accusent de l’avoir violée.

Une nouvelle escalade à analyser sous le prisme des difficultés de la Russie dans sa guerre en Ukraine. La puissance russe n’a peut-être plus le temps et les moyens d’être la gardienne de la paix de son pré carré du Caucase.

Si une nouvelle guerre veut être évitée, les importantes ressources en pétrole et en gaz de l’Azerbaïdjan sont à prendre en compte dans les réactions internationales. Alors que les pays européens cherchent à sortir de la dépendance russe.

Ce conflit sera au coeur des discussions du sommet l’Organisation de coopération de Shanghai qui se tient en ce moment en Ouzbékistan. Outre la Chine il réunit les puissances russe, turque et iranienne. Ainsi que l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Quant au match de ce soir, le contexte autour des nouvelles attaques entre l’Armenie et l’Azerbaïdjan sera évidemment plus que présent lors de ce Qarabag – FC Nantes. Guran Gurbanov, entraîneur de l’équipe azerbaïdjanaise, a notamment souligné en conférence de presse :

« C’est très dur pour moi de parler aujourd’hui devant vous, parce que cinquante des nôtres sont morts dans le conflit il y a quelques heures, qu’il y a une guerre à la frontière, et jusqu’à ce matin je ne me suis intéressé qu’à ça, à ces si jeunes soldats qui sont décédés. Nous jouerons pour eux, nous jouerons pour l’Azerbaïdjan. »

FIN

Kévin Veyssière

Pour aller plus loin : Le Dessous des Cartes / ARTE

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