Désormais seul grand club de Berlin-Est, le BFC Dynamo a toutes les cartes en main pour écraser le football est-allemand durant la décennie 1970. Pourtant, malgré le soutien toujours plus important de la Stasi, les performances sportives tardent à venir. Ce n’est pas le cas de la sélection nationale, qui va enchaîner les exploits et se prendre à rêver de titres prestigieux. Mais cet espoir s’estompera très vite …
Le football est-allemand a le vent en poupe au début des années 1970. La sélection nationale se qualifie pour la première fois de son histoire pour la Coupe du Monde 1974, qui a lieu en Allemagne. Hasard du tirage au sort, elle affrontera l’équipe de la RFA au premier tour, le 22 juin 1974. A la surprise générale, la RDA surprendra le favori grâce à un but de Jürgen Sparwasser. Ce fut l’unique fois où les deux sélections nationales se rencontrèrent. Cette défaite historique allait finalement faire les affaires de l’Allemagne de l’Ouest, qui procèdera à plusieurs changements et remportera par la suite cette Coupe du Monde. L’équipe de la RDA continuera de progresser puisqu’elle remportera la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976. Par ailleurs, le FC Magdebourg sera le premier club d’Allemagne de l’Est, et le seul, à glaner un titre européen en remportant la Coupe des coupes en 1974.
Du côté de Berlin, la situation s’améliore également puisque le BFC ira jusqu’en demi-finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, en 1972, avant de s’incliner contre un Dynamo bien plus puissant sportivement et politiquement, le Dynamo Moscou. À ce jour, le BFC Dynamo reste le seul club berlinois à atteindre les demi-finales d’un grand tournoi européen. Cela sera l’unique performance du club durant les années 1970. Le club naviguera en milieu de tableau du championnat national et l’engouement populaire autour du club sera peu présent, compte tenu des liens entre la Stasi et le Dynamo.

Mielke utilisera alors des méthodes bien plus fermes pour que son club domine le football est-allemand : corruption du corps arbitral, avantages sportifs toujours plus criants et recours au dopage de masse. Falko Götz, ancien joueur du club de 1979 à 1983, concèdera d’ailleurs avoir « ingurgité des substances dopantes à son insu ». Comme pour les autres disciplines (natation, athlétisme, gymnastique, aviron…), le dopage sera une pratique courante pour assurer au régime communiste les meilleurs résultats sportifs. L’Allemagne de l’Est sera d’ailleurs la seconde nation à récupérer le plus de médailles durant les Jeux Olympiques de 1976, 1980 et 1988, derrière l’URSS.
Face à la réussite des athlètes est-allemand au cours de ces olympiades, le « Dynamo Mielke » avait l’obligation de gagner. Et gare à ceux qui quittaient le navire en cours de route. Ce fut le cas tristement célèbre de Lutz Eigendorf, grand espoir du BFC Dynamo dans les années 1970.

Ce n’était pas la première fois qu’un athlète est-allemand fuyait à l’0uest, mais c’était bien la première fois qu’un joueur faisait un tel affront au patron de la Stasi. Eigendorf s’échappera le 20 mars 1979 pour rejoindre le club FC Kaiserslautern, laissant femme et enfant derrière lui. Une fois à l’Ouest, il en profitera pour refaire sa vie et critiquer ouvertement le régime communiste. Il sera alors étroitement surveillé par les agents de la Stasi et, le 7 mars 1983, il mourra à la suite d’un accident de voiture, survenu dans des conditions troublantes. Après la chute du Mur, les archives de la RDA montreront que les services secrets est-allemands s’intéressaient de très près à Eigendorf. Mais aujourd’hui encore, l’hypothèse d’un éventuel assassinat n’a jamais pu être confirmée ou infirmée.
Désormais sans concurrence, le Dynamo écrasera le football est-allemand par sa suprématie en remportant le championnat pendant dix années consécutives, de 1979 à 1988. Cette manipulation organisée atteindra son paroxysme durant la saison 1985-86. Un épisode connu sous le nom de « pénalty de la honte » le 22 mars 1986. Le Dynamo Berlin et le Lokomotive Leipzig se disputent alors le titre. Alors que Leipzig ouvre rapidement la marque, l’arbitre expulse d’abord un joueur local à 10 minutes de la fin de la rencontre, ajoute du temps réglementaire en plus et accorde finalement un pénalty imaginaire qui conduit à l’égalisation de son équipe à la 95ème minute. Pour la petite histoire, l’arbitre de la rencontre, Bernd Strumpf, était aussi un agent de la Stasi. Des vagues de protestation vont alors balayer le pays et cela obligera même le régime communiste, pourtant peu enclin à écouter son peuple, à réformer les règles du corps arbitral et à remplacer les arbitres corrompus.

Pendant ce temps à l’Ouest, la RFA s’impose comme une grande nation du football grâce aux victoires de son équipe nationale (finaliste des Coupes du Monde 1982 et 1986, vainqueur de l’Euro 1980). Bien que le grand club de Berlin-Ouest, le Hertha, ne s’impose pas sur la scène européenne, d’autres clubs allemands remporteront plusieurs succès durant les années 1980 (Coupe d’Europe des clubs champions 1983 pour Hambourg, Coupe UEFA 1980 pour Francfort et celle de 1988 pour Leverkusen). À l’Est en revanche, le BFC Dynamo ne dépassera jamais les quarts de finale d’une compétition européenne. Seuls le Lokomotive Leipzig et le FC Carl Zeiss Iéna seront finalistes des éditions de 1981 et de 1987 de la Coupe UEFA. Quant à l’équipe nationale, elle n’arrivera jamais à se qualifier pour une phase finale de Coupe du Monde ou bien de Championnat d’Europe.
A suivre demain, avec la troisième partie et la conclusion de cette série « Derrière le Mur : Berlin capitale utopique du football est-allemand »
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